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Radio 47 FM 87.7

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Non, je voulais juste discuter avec vous. Vous ne voulez pas vous asseoir ? D’accord. Vous voulez être actrice, non ? Jamais de la vie. Je veux aller à Bourges. Où ? A Bourges, en France. On ne le dirait pas, mais je viens de là-bas. Vous, vous êtes Française ? En partie. Je suis née à Bourges. J’ai quitté la France avant même de savoir marcher, donc tout ce que je connais de Bourges vient des cartes de ma mère. Il y a une cathédrale, là-bas. Votre mère y vit toujours ? Oui. On est revenus ici après la guerre. Ma mère est restée quelques années, puis elle est retournée à Bourges. On ne l’a pas revue depuis. Certains disent que c’était cruel de sa part, mais que pouvait-elle faire ? Elle n’avait pas d’argent pour m’élever et n’arrivait pas à s’adapter. On ne peut pas lui en vouloir. Pensez-vous que c’était cruel ? Pas si vous ne le pensez pas, Mlle Maple. Regardez. C’est une photo de ma mère avant qu’elle épouse Papa. Elle est belle, hein ? Vous lui ressemblez. Vous croyez ? C’est difficile de l’imaginer mariée à Papa. Enfin, il ne devait pas être si mal que ça, dans son uniforme américain. Elle m’envoie toujours un livre pour mon anniversaire. En voici un. Ce sont les poèmes de François Villon. Vous les avez lus ? Oui, je les ai lus. C’est de la belle poésie. Mère a écrit une note sur la page de garde. Ça dit: « A ma chère Gabrielle. » Oh, vraiment ? Gabrielle, c’est un beau nom. Ce n’est pas étonnant que ce soit devenu « Gabby », avec ces culs terreux de rats du désert. Vous avez la même opinion que votre mère sur le désert. Mais les poèmes de François Villon vous consoleront. Oui, ça enlève de mon système les odeurs d’essence et de hamburger. Gabrielle, voulez-vous me lire un de ces poèmes ? Maintenant ? Oui, pendant que je mange. D’accord, je vais vous lire mon préféré. Offrir vous veuil à ce Désir m’allume joyeusement ce qu’aux amants bon semble Sachez qu’Amour l’écrit en son volume Et c’est la fin pour quoi nous sommes ensemble Continuez, Gabrielle. Raison ne veut que je désaccoutume Et en ce veuil avec elle m’assemble De vous servir mais que m’y accoutume Et c’est la fin pour quoi sommes ensemble Vous savez, cet homme écrivait des choses magnifiques. Comment on prononce son nom, déjà ? François Villon. Les Français comprennent tout. C’est pourquoi vous voulez aller en France ? Pour tout comprendre ? J’irai. Quand papy mourra, on vendra cet endroit, je prendrai mon argent et j’irai à Bourges et il y aura de belles choses à voir, du bon vin, les gens qui dansent dans la rue… Je resterais, si j’étais vous. Pour éviter d’être déçue. Je suis allé en France. Vous y écriviez des livres ? Non, mais j’y pensais. J’ai épousé une femme qui avait de l’argent. Elle était très souple avec moi. Ne me jugez pas à cause de ça. J’ai écrit un livre, en fait. Quel genre de livre ? De la fiction ? Dans un sens, oui. Un roman. J’avais ans. C’était très brut. Il s’est vendu à copies à peine. Ça a coûté de l’argent à l’éditeur et ça lui a aussi coûté sa femme. Elle a divorcé de lui et s’est mariée avec moi. Elle voyait en moi un grand artiste. Profond, mais inarticulé. D’après elle, il me fallait trouver un cadre, donc elle me l’a offert, avec une belle vue sur la Méditerranée. Je me suis reposé sur la Riviera pendant ans, dans ce cadre et j’attendais que le grand artiste écrive quelque chose d’important. Mais il préféra rester inarticulé. Et vous avez quitté votre femme ? Oui. C’est bien. Je l’ai fait à sa suggestion. Elle s’était éprise d’un peintre brésilien, un autre grand artiste. Il ne me restait plus qu’à voyager. J’ai décidé d’explorer l’Amérique. Et mon voyage m’a amené jusqu’ici, à la force du pouce. Que cherchez-vous ? Je ne sais pas. Je cherchais la foi en quelque chose qui vaille le coup de vivre. Qu’avez-vous trouvé ? Rien d’aussi intéressant qu’un vieil homme sur qui Billy le Kid a tiré et une jeune femme qui lit Villon. Le reste pourrait aussi vous surprendre. J’en suis sûr. Je peins également. C’est bien ? Non. Laissez-moi voir. C’est un peu fou. C’est encore mieux. S’il vous plait, laissez-moi les voir. Peut-être êtes-vous un génie que je dois faire passer à la postérité. Vous vous moquez ? Non, Gabrielle. Je ne me suis jamais moqué de personne, sauf de moi-même. D’accord. Si vous promettez de ne rien dire. Parole d’honneur. Il faut grimper à l’échelle. Allons-y. J’ai besoin d’eau et d’essence. Le plein. Oui. C’est Paula, notre cuisinière mexicaine. Ce n’est pas très ressemblant. Votre but n’était pas d’être réaliste. C’est celle que je préfère. Je voulais montrer les nuages qui descendent le long des montagnes. Dites-moi, qu’est-ce qui vous fait peindre de cette manière étrange ? Je vois et ressens les choses comme ça. Ah, oui. Qu’est-ce que ça vaut ? Je peux dire que je suis vraiment impressionné. Je serais meilleure si j’allais en France. Ils ont de bonnes écoles. Vous réalisez le nombre d’artistes en France qui se disent: « Si seulement je pouvais aller en Arizona » ? Je sais. Beaucoup de gens raffolent de ce désert quand ils le voient. Ils pensent que c’est plein de mystère et que c’est hanté. Ça l’est. C’est possible, mais il y a quelque chose en moi qui veut partir. Je sais qu’il y a quelque chose en vous. J’aimerais savoir ce que c’est. C’est peut-être mon sang français. Parfois, je sens une explosion d’étincelles en moi, j’ai envie de filer d’ici et de faire un truc fou et formidable. Puis mon côté américain gâche tout et me retient de le faire. Je retourne alors travailler à tenir ces comptes s. Tant de café, de pain, tant de hamburgers, de sucre. Etes-vous une bonne comptable ? Si je ne l’étais pas, on fermerait boutique. Ça, c’est votre côté français. Mais ces étincelles, c’est % américain. Vous épouseriez un français ? Je ne veux pas me marier. Non ? Je veux rester libre. Et le jeune gaillard là-bas, dans le maillot de football ? Qu’est-ce qui vous fait croire qu’il m’intéresse ? Quand je suis entré… Je sais. Il m’embrassait. Ce n’est rien. Il y a de la place pour mieux. Il veut sortir avec moi. Ah oui ? Est-ce qu’il va réussir ? Je n’ai pas encore décidé. Vous avez un conseil ? Ne me demandez pas, Gabrielle. Votre